La potion magique de Goscinny !
La potion magique de Goscinny !
Présenté par Thark
« Quand est-ce qu’on mange, Joe ? » Le plus grand des 4 Dalton s’inviterait bien au banquet final des gaulois s’il pouvait changer de crèmerie… de série, pardon. Tant pis pour ses frères qui hurlent « Averell, tais-toi ! » car la fameuse potion magique du druide Goscinnyx nous attend, elle mijote dans la marmite. C’est rempli de bulles qui éclatent, d’idées fumantes, de gags qui pétillent. Envoyez la sauce, par Bélénos !
Cette « marmythique », Obélix n’est pas le seul à être tombé dedans quand il était petit : les ingrédients secrets de l’irremplaçable René Goscinny ont transformé ses créatures en STARS DE LA BD, héros cultes pour toutes les générations. Le petit guerrier Astérix, Lucky Luke le cowboy, l’affreux vizir Iznogoud ou encore ce gamin vif et curieux qu’est Le petit Nicolas. Avec sa bouille ronde, son délicieux sourire et son fameux second degré, le scénariste a un jour déclaré face caméra :
« Un scénario René Goscinny fait toujours rigoler ». Ce ne sont pas ses complices et amis dessinateurs, les géniaux Uderzo, Morris, Tabary ou Sempé qui auraient dit le contraire : ils étaient ses 1ers fans.
Ils sont fous, ces albums !
Venez vous amuser à réfléchir entre ces pages où il n’y a pas de danger que le ciel (ou un nouveau virus) vous tombe sur la tête.
Nous sommes en 20… après J-C. Un drôle de village mondial peuplé d’irrésistibles personnages résiste encore et toujours au passage du temps. Même s’ils se sont fait des cheveux blancs, Agecanonix, Panoramix, Old Timer ou Ma Dalton n’ont pas pris une ride ! Par la magie du texte et du dessin réunis dans une recette parfaite, ils gardent à jamais leur appétit de vivre… et c’est à mourir de rire.
Toute l’œuvre est un régal, il a fallu choisir. Mais je n’ai pas eu besoin du goûteur de Cléopâtre pour concocter ce menu best-of (gastronomix !) qui fera de vous le lecteur/lectrice qui rit plus vite que son ombre…
Le Combat des chefs
Druides en folie, marmites explosives, romain volant, barbare timide, bouclier de jogging, des gags qui éclatent sur un thème grave.
Au moment de la prépublication, moins de 20 ans ont passé depuis la fin de la 2ème guerre mondiale. Ses héros étant d'irréductibles résistants, Goscinny les confronte à un collabo costaud, Aplusbégalix, brute gallo-née à la tête d'un village gallo-romain.
À condition que Panoramix soit éliminé, ce traître qui vénère ses "envahisseurs bien-aimés" va donc défier Abraracourcix suivant la coutume du combat des chefs : la tribu du perdant devra se soumettre au vainqueur, donc au centurion Langélus ! Et justement, le druide a perdu la boule avant d'avoir pu faire sa potion (il a été ratatiné sous un petit menhir de rien du tout par Obélix voulant disperser ses agresseurs)... Psychiatre et druide de secours, le mémorable Amnésix guérira-t-il à temps son cher collègue ?
Astérix chez les Bretons
Plusieurs décennies avant Les Franglaises, le scénariste 100% bilingue inventait dans ce chef-d’œuvre un pur régal de traductions littérales et de références. Pour Goscinny, tous ensemble : « Ipipourax !"
Astérix légionnaire
Obélix vient de fracasser une patrouille de romains qui piétinait ses jolies fleurs bleues et livre une confidence inattendue... Car devant la splendide Falbala dont il est raide dingue, il ne sait dire que « WKRSTKSFT ». Hélas, elle a un fiancé, Tragicomix, enrôlé de force dans la légion. Alors notre joli cœur (brisé) décide avec Astérix de s’engager dans l’armée romaine pour aller récupérer le bellâtre en Afrique. Pressé, indiscipliné, le duo gaulois va manipuler plusieurs instructeurs aux côtés d’une cohorte d’apprentis légionnaires, des gugusses hilarants venus du monde entier (« Poil au nez ! »).
Emotion, parodie féroce des règles militaires, rigolade débridée et multiculturelle : Goscinny a bouleversé les codes de l’humour en BD. Un album-clé du 20èmecentury. « Poil aux sourcils » !)
Le Bouclier arverne
Un Achtérixche en Auvergne où les romains vont au charbon pour retrouver un objet fabuleusement symbolique de la guerre des Gaules : César veut humilier les arvernes rebelles en faisant un triomphe avec le bouclier du grand chef Vercingétorix, vaincu à Alésia…Tout est délicieusement marrant dans ce 11ème album qui voit nos héros remonter la piste compliquée du bouclier disparu. De la cure thermale prescrite à un Abraracourcix bondissant de douleur quand on pose un doigt sur « ça ! » (son foie malade) jusqu’à un twist final légendaire, les péripéties semblent couler de source dans les dessins d’Uderzo, au talent enivrant.
Ah, l’inoubliable Joligibus, aussi nul en espionnage qu’en balayage de demi-dalle... « Chalut la compagnie, on peut boire un coup ? »
“Ma-chro-bio” Goscinny-Uderzo
A la fin de l’année 1951, un certain René Goscinny débarque à Paris sans crier gare (plutôt en criant famine).
Sans rendez-vous, il se dirige vers les bureaux d’une petite agence à deux têtes, la World/International Press, pour laquelle travaille depuis peu un certain Albert Uderzo. La 1ère mission du nouveau-venu est justement d’aller récupérer des planches urgentes au domicile du dessinateur, rue de Montreuil. Une rencontre qui n’a l’air de rien… mais on connaît la suite !...
Le jeune René vient de passer quelques années laborieuses à New York où il s’est lié d’amitié avec de futurs grands noms de la BD américaine et même européenne (Harvey Kurtzman, Jack Davis, Bill Elder, Jijé, Morris, etc… ). C’est là aussi qu’il a rencontré le belge Georges Troisfontaines, déjà employeur du jeune Albert, qui lui a lancé une vague invitation à « passer le voir » à Bruxelles ou dans la capitale française. Goscinny l’a pris au mot… et c’est ainsi que cet audacieux Français d’origine juive-ukraino-polonaise ayant grandi en Argentine va pouvoir démarrer une collaboration passionnée avec Uderzo, français d’origine italienne. Leurs goûts communs les rapprochent aussitôt et leurs talents se complètent pour engendrer de multiples séries et personnages déjà hilarants, parmi lesquels Oumpah-Pah l’indien, leur chouchou. Ce sont aussi leurs vécus respectifs, parfois douloureux mais intimement cosmopolites, qui feront naître entre eux une profonde amitié. Tout cela les amènera à créer ensemble pour le journal Pilote une Gaule irrésistible, généreuse, riche d’une diversité permanente qui la rend universelle : celle d’Astérix-le-petit et d’Obélix-le-gros.
C’était en 1959. Pour la Bande Dessinée, l’humour et même le monde de l’édition, plus rien ne sera comme avant !
Astérix en Hispanie
« - J'ai l'homme qu'il vous faut. Il est du peuple des Vaccéens. Il connaît bien la montagne. Il vous guidera.
- Je ne savais pas qu'il fallait un Vaccéen pour entrer en Hispanie. »
Pour en arriver là, cette aventure formidablement inspirée nous offre d’abord d’irrésistibles scènes gauloises intramuros. Puis cap sur l’Espagne dans le but de ramener chez lui un garçonnet caractériel, que les romains avaient pris en otage pour neutraliser son père, Soupalognon y Crouton. Un chef ibère fier qui résiste et qu’a fait Olé devant César ! Après une garde d’enfant houleuse, marquée par l’apparition d’Ordralfabétix dans la série et la toute 1ère bagarre poissonneuse du village, la corrida commence pour Astérix et Obélix : échapper aux patrouilles, déjouer les ruses du centurion Nonpossumus et, surtout, affronter constamment les caprices étouffants du petit Pépé…
Le Domaine des dieux
Pauvre Obélix, s’il savait que César et l’architecte Anglaigus vont s’attaquer à ces magnifiques paysages pour y édifier une cité envahissante ! Déboiser pour mieux dégauloiser, voilà le plan... Inquiet pour le sort des esclaves-ouvriers qui arrachent les arbres, Astérix leur fournit de la potion magique. Mais leur chef Duplicata (un numide à qui « il ne faut jamais parler sèchement ») ne stoppe pas le travail, sa force lui permettant d’imposer ses revendications. Pendant que la garnison devient elle aussi une interminable réunion syndicale, le Domaine des Dieux se construit.
Avec son incroyable virtuosité graphique, le grand Uderzo dessine aussi bien la Nature que les spectaculaires décors résidentiels. Il y installe les personnages imaginés par son scénariste, de riches romains sans complexe pour qui le village n’est qu’un centre commercial pittoresque, un marché rural où tout s’achète…Pas étonnant qu’Alexandre Astier (Kaamelott) soit fan de ce puzzle d’humour mordant et intelligent au point d’en avoir fait un (excellent) film avec Louis Clichy en 2014. D’une époque à l’autre, les Grands esprits - avec un G comme Goscinny - se rencontrent…
Goscinny meets Morris
Car c’est aux USA (où il a vécu de 1948 à 1955) qu’il a rencontré le discret mais déjà brillant humoriste, apparemment moins doué pour le travail de dessinateur. Amitié aidant, le percutant illustrateur belge s’adjoint donc le talent du scénariste Goscinny avec enthousiasme, dès 1954. Leur première collaboration porte bien son nom puisque « Des rails sur la prairie », le 9ème Lucky Luke, leur ouvrira en droite ligne la voie du succès…
Photo Creative Commons
Les cousins Dalton
Avril 1956, l'idée des cousins vient de naître. Le nouveau scénariste de Morris ne s’est pas laissé abattre par la mort des vrais Dalton dans le 6ème Lucky Luke (« Hors-la-loi ») que le dessinateur avait écrit seul. La réalité historique, Goscinny s’en amuse déjà pour imaginer ces sosies parfaits que le succès de la série va rendre éternels...
Avant que le crayon les ressuscite, Goscinny « redessine » leurs caractères et invente pour eux des trésors d'imbécilité renouvelable. De bêtes et inoffensifs, il les rend suffisamment bêtes et méchants (Averell restant surtout crétin) pour faire d’eux des terreurs.
Enfin, pas pour Luke qui, après les avoir manipulés en jouant les faux complices, va s’ingénier à les ridiculiser une 1ère fois. Lorsqu’en dernière page il dit au shérif « Gardez-les bien », il ne soupçonne pas à quelle fréquence le scénariste va désormais le lancer sur la piste des Dalton !
Le Juge
Historiquement, Roy Bean est déjà le juge le plus invraisemblable qu’ait connu l’Amérique : rescapé d’une pendaison (!), réputé et craint pour ses sentences qui sont tout sauf objectives et pondérées (!!), sans oublier l’ours alcoolique qui l’accompagne (!!!). Alors pourquoi ne pas aggraver encore son cas en ajoutant un horrible croque-mort hurlant « Qu’on le pende ! » à chaque procès injuste ou même un avocat de la défense muet ? Mais trop c’est trop. Quand la pauvre bourgade de Langtry se récupère en plus un Bad Ticket (une fripouille encore pire qui veut concurrencer le vieux barbu inculte), l’ex-condamné Luke, pas rancunier, finira pas se ranger aux côtés du juge pour ramener un semblant de loi à l’ouest du Pecos…
Billy the kid
C'est l'argument des trouillards de Fort Weakling pour ne pas aider Lucky Luke à emprisonner ce célèbre bandit qui n'est à ses yeux qu'un garnement mal élevé : William H. Bonney - son vrai nom. Aidé par Josh Belly, courageux et unique membre de la Société pour l'expulsion de Billy the kid, Luke oppose un mélange de moquerie et d'autorité face aux délits et caprices insupportables que le « gamin » impose à la ville.
Aux côtés d'un Morris ultra inspiré, Goscinny refait ici le portrait d'une triste légende de l'Ouest avec une jubilation féroce, la transformant en un nabot ridicule mais dangereux qui, au berceau, tétait déjà son revolver pour se calmer !
Une gourmandise aussi obligatoire que les gâteaux à la crème et le chocolat chaud de Billy...
Tortillas pour les Dalton
"Nous faire sortir de prison, c'est une atteinte à notre liberté !"... Dégoûtés de constamment s'évader pour rien, les frangins avaient décidé de s'installer pour de bon... mais voilà qu'on les transfère dans un pénitencier mexicain, tout ça pour être kidnappés juste après le Rio Grande !
Malgré les sommets de bêtise où il les emmène (« comment s'appelle cette croûte délicieuse autour des frijoles ? » demande Averell, « ça s'appelle un bol en terre cuite » répond le bandit), Goscinny campe des Dalton assez malins pour sauver leur tête en vantant leur expérience criminelle auprès d'Espuelas, le pro du rançonnage. Effaré par leur nullité en tout, à commencer par l'Espagnol (« Couaco mé kiki ? »), il leur offre une dernière chance : devenir mariachis pour pouvoir enlever le richissime Don Doroteo Prieto.
Mais un cow boy accompagné d'un chien crétin est sur leur piste... Car non, lukyluk n'est pas une injure, comme Joe tente de le faire croire à Emilio, et Rantanplan n'est pas un idiotisme. Juste une géniale idiotie sur pattes.
La Diligence
Au moment même où Goscinny emmène son dessinateur vers un nouveau territoire éditorial - Dargaud, en 1968 -, le « fouet » Hank Bully, escorté par Luke, donne le départ d’un voyage à hauts risques pour sauver la réputation de la Wells Fargo. Des Rocheuses au Désert de sel blanc comme du papier vierge, « en voituuuuure ! » pour une cavalcade de running gags, parodie savoureuse des westerns de John Ford.
La chariotte secoue follement sa cargaison minérale et ses pittoresques passagers. Cahots créateurs de chaos, sabotages, pièges boueux, éboulis infernaux, indiens à amadouer, attaques variées entrecoupées de relais ayant une approche inoubliable de la gastronomie (« des patates et du lard », ça vous parle ?), tout ça n’est rien comparé à l’effrayant Black Bart, le fantôme-poète qui les attend au milieu de nulle-part…
Dalton City
Il s’agit de Fenton Town, un paradis infernal pour les criminels en tous genres. En moins de temps qu’il n’en faut pour tracer trois onomatopées cogneuses (OUFFFF ! CLOPS ! PAN !), le fructueux repaire du « proprio » Dean Fenton est mis au pas par Lucky Luke. Case prison et fin de partie ? Non.
En entendant ce nouveau détenu raconter ses belles histoires aux autres casseurs de cailloux, le colérique petit Dalton n’a qu’une envie : fonder là-bas une Dalton City ! Avec une géniale astuce de scénario, Goscinny fait libérer Joe qui fait évader ses frères (futurs larbins au service de « sa » ville), suivis par Rantanplan. Capturé, notre cowboy devient cobaye pour tester leurs talents d’hôteliers-restaurateurs... Le voir surjouer son rôle de client exigeant, manipuler tout le monde pour enfin semer la jalousie entre Joe et William lorsque la plantureuse Lulu Carabine entre en scène, c’est ju-bi-la-toire !
Fun Fact
Mais dans Dalton City, on constate un étonnant méli-mélo au sein de la fratrie, un vrai petit bug (heureusement passager) : celui qui devrait être Jack est devenu William !
Canyon Apache
En engageant systématiquement ses chariots de ravitaillement au cœur d’un canyon surveillé par les indiens Chimichuris qui les écrasent sous une pluie de rochers, le colonel O’Nollan alimente stupidement une guerre faite de représailles sans fin.
Mr. Smith l’escorte - alias Lucky Luke l’enquêteur - comprend vite pourquoi la guerre règne dans ce secteur du Texas…
L’absurde logique militaire déformée par la haine (« Aucun chien apache ne m’obligera à faire un détour ») cache en fait un drame personnel. Férocement drôles, les péripéties et épreuves initiatiques vécues par Luke l’apprenti apache sont l’occasion pour Goscinny de développer une narration riche en rebondissements.
Pas d’antimilitarisme primaire mais des personnages subtilement travaillés de part et d’autre, comme ce sorcier maladroit et hilarant qui n’est pas celui qu’on croit…
L’Empereur Smith
On nous aurait menti !? Buvons un verre du tord-boyaux de sa Majesté pour nous remettre de cette révélation !!!'
Fake News, bien sûr... Mais les auteurs-fabulistes vont vous raconter comment une trop grosse fortune peut rendre fou. Puis comment cette folie des grandeurs apparemment ridicule - et si divertissante pour les habitants de Grass Town - va enflammer les esprits au point de mettre littéralement le feu aux poudres.
Inspirés d'un fait authentique, le récit et sa mise en images font défiler des personnalités démentes et des personnages enivrés par le Pouvoir, même dans un empire d'opérette. Au fil de scènes loufoques mais subtiles, vous allez découvrir avec notre héros que le carnaval d'uniformes est bien plus inquiétant qu'il n'en a l'air…
Avant-dernière aventure luckylukienne écrite par le "scén'Artiste" avant sa brutale disparition, ce livre est l'alliance brillante de l'humour, du suspense et de la cruauté. En somme, une Comédie Humaine... made in Goscinny.
Fun Fact
Et n’oublions pas les danseuses bondissantes… parmi lesquelles un personnage de 1er plan que René Goscinny avait imaginé quatre albums plus tôt, l’épatante et bien nommée Laura Legs, qui fait la couverture de l’excellent Grand Duc 1973.
Le Petit Nicolas - La bande dessinée originale
Uniques en leur genre, les aventures drôles et touchantes du p’tit Nico me font perdre mon latin pour mieux évoquer ce qui restera comme une autre réussite créative et éditoriale majeure, toujours aussi fraîche plus de 60 ans après sa naissance. D’abord conçue en 1955 sous forme de BD avec de chouettes gags que cet album historique nous fait découvrir, la série pose déjà un regard aigu sur sa petite Comédie Humaine, presque intemporelle.
Mais elle va encore mûrir puis s’épanouir artistiquement à partir de 1959. Lorsque l’écrivain Goscinny et son ami dessinateur Jean-Jacques Sempé décident alors d’opter pour une forme littéraire plus proche du livre jeunesse ou du roman illustré, ils n’imaginent pas qu’ils viennent d’offrir aux Aventures du Petit Nicolas leur expression idéale et définitive.
Heureusement que la présence imposante des Gaulois et du Cowboy sur le podium des phénomènes de la BD n’a pas empêché le petit garçon, ses parents, ses profs et sa bande de copains de rejoindre eux aussi notre famille de cœur. Car une vie quotidienne drôlement racontée avec le langage naïf et cruel d’un enfant un peu turbulent mais curieux de tout et très attachant, ça a le don de toucher plusieurs publics ; parfois le même qu’Astérix & co, parfois un lectorat différent.
Au-delà de leur pouvoir d’évocation nostalgique, ces « adorables » chroniques à la première personne sont aussi pour Goscinny une superbe occasion de se moquer finement de ses contemporains, de ses proches et… de lui-même. Comme l’a écrit Bruno Dewaele dans Lire en 2019, « Il s'agit moins de se réfugier dans ce qui a été que de se projeter dans ce qui, n'en doutons pas, continuera à être ».
Qu’on soit jeune ou vieux, on ne va pas se priver d’une œuvre dans laquelle on trouve des parents capables d’avouer qu’ils ne sont pas assez grands pour laisser leurs enfants seuls…
Fun Fact
Dans « La sieste » (l’une des nouvelles des Vacances du Petit Nicolas publiée en août 1961), un moniteur de colo raconte aux enfants l’histoire d’un « calife qui était très bon mais qui avait un très méchant vizir »… Et Nicolas donne des détails :
« C’était pas mal, surtout la partie où le chouette calife se déguise pour savoir ce que les gens pensent de lui, et le grand vizir, qui est drôlement méchant, en profite pour prendre sa place. »
Le pitch est déjà en place !...
Iznogoud - Les intégrales
Mais pour que l’ignoble vizir devienne un (anti)héros à part entière, volant d’ailleurs très vite la vedette au calife endormi Haroun El Poussah, mou comme un loukoum, il ne manque plus qu’une Bagdad complètement fantaisiste croquée par Tabary ainsi qu’un homme de main dont le nom annonce la couleur : Dilat Laraht…
Car, outre la méchanceté décomplexée du personnage principal - innovation marquante en ce début des années 1960 - cette série frénétique se caractérise surtout par l’orgie de calembours à laquelle Goscinny va se livrer sans retenue. Un plaisir coupable que Morris lui refusait farouchement dans Lucky Luke, un défouloir de jeux de mots atroces et délirants (mais jouissifs) pour le scénariste, qui vont provoquer des rigolades sidérées chez le dessinateur puis une partie du public.
Une partie seulement puisqu’en dépit de ses qualités, de sa créativité verbale débridée et de son étonnante énergie graphique, Iznogoud n’aura pas l’aura en or de ses collègues-stars de la BD...
Iznogoud - Les intégrales-T1 - 25 histoires de Goscinny et Tabary de 1962 à 1978