"Installé dans sa cabane à l'écart de la ville, dans un coin de campagne française, Eugène Rabier coule une retraite paisible. Oh, il a bien ses petites contrariétés, comme tout le monde. Le maire veut à tout prix racheter son lopin de terre pour implanter une raffinerie, et les gosses se moquent un peu de lui. Mais dans l'ensemble, ça peut aller. Jusqu'au jour où une bande de types cagoulés et armés jusqu'aux dents viennent le réveiller en sursaut."
T1 Coeur Tam-Tam
Installé dans sa cabane à l'écart de la ville, dans un coin de campagne française, Eugène Rabier coule une retraite paisible. Oh, il a bien ses petites contrariétés, comme tout le monde. Le maire veut à tout prix racheter son lopin de terre pour implanter une raffinerie, et les gosses se moquent un peu de lui. Mais dans l'ensemble, ça peut aller. Jusqu'au jour où une bande de types cagoulés et armés jusqu'aux dents viennent le réveiller en sursaut. Ils sont à la recherche d'un livre qu'Eugène a écrit, il y a bien longtemps, à l'époque où il s'occupait d'une palmeraie en Afrique. Son titre ? Précis de culture de l'elaeis au Congo belge. Attention, ils ne rigolent pas : voilà deux ans qu'ils essaient de mettre la main dessus. Coup de chance, Eugène possède le seul exemplaire survivant. Mais il se demande bien pourquoi ce bouquin anodin – 14 exemplaires vendus, une vraie misère ! – suscite une telle convoitise... Coeur Tam-tam, ce n'est pas vraiment un polar. Même si l'on croise quelques macchabées, un magot planqué, des coups de feu qui claquent et de vrais méchants. C'est d'abord une rencontre : celle entre un écrivain et un dessinateur. L'écrivain, c'est Tonino Benacquista. Auteur de polars comme La maldonne des sleepings ou Les Morsures de l'aube, scénariste pour le cinéma et la bande dessinée (L'Outremangeur et La Boîte noire, avec Jacques Ferrandez aux pinceaux). D'ailleurs, il n'aime pas tellement s'entendre qualifier d' " écrivain " ou de " scénariste ". Il préfère dire qu'il " travaille la fiction ", que " chaque histoire possède sa forme propre et exige une manière d'être racontée s'imposant d'elle-même : roman, nouvelle ou scénario ". Le dessinateur, c'est Olivier Berlion, qui s'est fait connaître avec les sagas des Soupetard et des Sales Mioches. L'histoire qui les a réunis est une nouvelle de quinze pages publiée par le premier, voilà une dizaine d'années, dans un recueil intitulé La Machine à broyer les petites filles. Un de ces textes qui faisaient naître des images dans sa tête et n'attendaient que de trouver leur prolongement visuel. Ensemble, ils ont composé une bande dessinée qui oscille entre réalisme et fantaisie pure. Avec quelques détours réjouissants par l'ethnologie amusante, la sociologie urbaine (ah, les relations de voisinage dans une petite ville de province, quel bonheur !), le joyeux délire et le polar classique de pure facture (dialogues savoureux dignes de Michel Audiard à l'appui). L'Afrique vue par Benacquista et Berlion possède un petit air de Tintin au Congo plutôt rigolo – le maniement du second degré étant bien sûr fortement conseillé, ami lecteur. Bref, c'est un récit complet, dans tous les sens du mot. Les décors sont particulièrement soignés, servis par ce sens subtil de la lumière qui caractérise le travail d'Olivier Berlion. Eugène Rabier est tout simplement parfait, et sa renaissance fait plaisir à voir. Dans Coeur Tam-tam, il y a de la nostalgie, de la tendresse, pas mal d'humour et un vrai suspense, mitonné aux petits soins par un Benacquista en grande forme. Mais jamais, au grand jamais, de cynisme, de mépris pour les personnages ou de " morale de l'histoire " (ou alors, peut-être, celle selon laquelle voler un voleur n'est pas vraiment du vol). À la fin, le lecteur se dit qu'Eugène Rabier a tout compris du bonheur. Lequel est finalement aussi simple qu'une partie de cartes à l'ombre d'un palmier africain, sous le regard protecteur d'un grand serpent à l'air nonchalant.
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